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Au Festival d’Avignon, Ahmed Madani célèbre le théâtre et la jeunesse

Décidément, Ahmed Madani a l’art de faire émerger et de donner la parole à la jeunesse. Après sa formidable trilogie Face à leur destin (Illumination(s), en 2012, F(l)ammes, en 2016, et Incandescences, en 2021), consacrée au quotidien, aux rêves et aux peurs de jeunes des quartiers populaires, le metteur en scène revient au Théâtre des Halles, à Avignon, et enthousiasme de nouveau le public du Festival « off ».
Avec sa nouvelle création, Entrée des artistes, il poursuit son investigation sur ce qu’est être jeune aujourd’hui en élargissant l’origine territoriale et sociale de ses protagonistes. Soit sept anciens étudiants de l’école supérieure de théâtre Les Teintureries (où Ahmed Madani avait réalisé le spectacle de sortie de la dernière promotion), à Lausanne, en Suisse, à qui l’auteur a posé une question en apparence simple : « Pourquoi voulez-vous faire du théâtre ? »
Suisses, français, portugaise, franco-chilienne, issus de milieux plus ou moins favorisés, ces apprentis comédiennes et comédiens respirent la vie, se livrent avec une sincérité désarmante et nous touchent au cœur. Leur héritage culturel, leurs désirs, leur quête de sens, leurs révoltes, leur parcours d’émancipation les ramènent à leur histoire familiale et nous font, nous spectateurs, nous réinterroger sur notre itinéraire et nos choix. Eux, le théâtre les a sauvés. Que ce soit d’un quotidien qu’ils ne voulaient pas banal, d’un milieu familial où ils étouffaient, de conventions sociales qu’ils refusaient de subir.
Il y a notamment Côme et sa famille aimante, soutenante, « de droite et croyante ». L’homme de 26 ans en parle avec bienveillance, mais explique sa volonté de ne pas s’inscrire dans « l’esprit de conquête » propre à « la classe dominante ». Dolo, 24 ans, à l’enfance fracassée par un inceste, parle de ses tatouages comme de « graffitis que [ses] non-dits ont tracés ». Le théâtre lui a évité la polytoxicomanie, a canalisé sa colère et est devenu toute sa vie.
Jeanne, elle, s’interroge sur ses rapports avec sa mère, qui aurait rêvé d’être artiste, et sur le processus d’identification. Igaëlle, « ex-grosse », dont les parents « se sont aimés très fort avant de se désaimer encore plus fort », a fait de son corps un théâtre. « Avec les mots des autres, j’ai réussi à sortir les miens et à trouver mon lieu de résistance. » Lisa, elle, n’en pouvait plus d’être « une petite fille suisse parfaite et docile », et avait « la hantise de finir dans un bureau ». « Le théâtre est le métier des enfants qui ne veulent pas devenir adultes. Je veux déranger et parler fort », revendique-t-elle.
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